L’ombrage est une technique utilisée pour la culture de certains thés verts au Japon, qui consiste à filtrer l’ensoleillement au-dessus des théiers pendant quelques semaines (environ 3-4 semaines), avant la première cueillette de printemps, afin d’obtenir un thé d’exception. Le reste de l’année, les arbustes reçoivent un ensoleillement naturel. Le thé Gyokuro et le thé Matcha sont les thés d’ombre les plus célèbres produits selon cette technique.
Pour filtrer les rayons du soleil, on couvre les théiers d’une bâche ou d’un filet. D’abord en couvrant légèrement pour filtrer la luminosité à 50%, pendant une période de 7 à 10 jours, puis en ajoutant des couvertures supplémentaires pour que l’ensoleillement soit bloqué à 98%.
L’échafaudage peut être permanant, dans ce cas, il est conservé toute l’année sans couverture, ou éphémère, uniquement présent pendant la saison des récoltes. Il garantit un espace conséquent entre les théiers et les couvertures. Il s’agit de la procédure d'ombrage la plus courante, qui maintient une certaine stabilité de la température. Ainsi, le confort des théiers est assuré, ils donnent des feuilles de grande qualité.
Dans ce cas, les couvertures sont directement posées sur les théiers. Certains producteurs ont recours à ce procédé, mais il est pourtant beaucoup moins efficace, car les couvertures peuvent endommager les feuilles et génèrent un grand stress chez les théiers qui souffrent de la chaleur.
À l’origine, pour faire de l’ombre aux théiers, on utilisait des matériaux naturels : du bambou, des roseaux, de la paille de riz séchée. Aujourd’hui, les producteurs utilisent des filets noirs synthétiques réutilisables, pratiques pour réguler l’exposition au soleil de manière précise. L’inconvénient est qu’ils laissent moins respirer les feuilles de thé.
Quelques cultivateurs puristes continuent de prôner la supériorité de la technique traditionnelle d’ombrage avec des végétaux pour obtenir un thé vert japonais exceptionnel.
Aujourd’hui, la culture ombragée est pratiquée dans différentes régions japonaises, mais elle trouve son origine dans la région de Uji, au sud de Kioto, au XIVe siècle.
Des chercheurs ont analysé le sol d’une plantation existant à cette époque et y ont trouvé des traces de bois, probablement issus d’un échafaudage, mais aussi de paille de riz et de roseaux, des matières nécessaires à l’ombrage.
La légende raconte que c’est en voulant protéger ses théiers qui souffraient du soleil, qu’un producteur avait eu l’idée de leur faire de l’ombre en les recouvrant avec de la paille. Lors de la transformation de ses feuilles, il fut agréablement surpris par le résultat !
Le thé ombré développe une saveur Umami, des notes délicates, sucrées, rondes et enveloppantes et peu d’astringence grâce à sa concentration en théanine.
La théanine est un acide aminé naturellement présent dans le thé qui est responsable de la fameuse saveur umami. Les thés qui ont une teneur élevée en théanine ont une saveur plus sucrée, des notes végétales et complexes, et sont considérés comme étant de qualité supérieure.
Lorsque le thé est cultivé sous un ensoleillement normal, la théanine, se transforme rapidement en catéchine, responsable de l’astringence. L’intérêt de la culture ombragée est donc de limiter la catéchine.
Lorsqu’ils sont couverts, les théiers réagissent pour continuer d’effectuer la photosynthèse : ils cherchent à capturer le peu de lumière qu’ils reçoivent, et puisent leur énergie dans le sol et produisent davantage de chlorophylle. Du fait de cette concentration de chlorophylle, les feuilles prennent une belle couleur verte vive, intense et plus foncée que celle que l’on trouve habituellement sur un théier. La pénurie de lumière ralentit la croissance du théier, et la grande réserve de théanine se concentre dans les feuilles, elle se transforme moins vite en catéchine que si le théier n’était pas ombragé.
Comme ce manque de lumière ralentit fortement la croissance du théier, le rendement est plus faible, ce qui explique la rareté des thés d'ombrage et le prix souvent plus élevé.
Entre les thés d’ombre et les thés de lumière (cultivés en plein soleil), il existe le thé Kabuse : un thé semi-ombragé. "Kabuse" signifie "couvrir" en Japonais. Le thé Kabuse est produit selon la technique de l’ombrage, mais par rapport au matcha ou au Gyokuro, il reste couvert moins longtemps.
Pour la culture de notre thé vert bio Kagoshima Kabusecha par exemple, des filets sont étendus au-dessus des théiers pendant 10 à 15 jours avant la cueillette pour fournir de l'ombre, mais sans bloquer complètement la lumière du soleil. En bouche, ce thé offre une texture épaisse et des saveurs sucrées.
Maintenant que vous êtes incollables sur la culture du thé ombragé, il ne vous reste plus qu’à faire une dégustation !
Sources : "Le thé c'est pas sorcier" de Yasu Kakegawa.